AFP – Protection de l’enfance: le décret sur les hôtels jugé insuffisant

Il était attendu depuis deux ans. Entré en vigueur lundi, le décret de la loi Taquet, qui limite le placement à l’hôtel d’enfants confiés à l’Aide sociale à l’enfance (ASE), laisse un goût d’inachevé aux spécialistes du secteur qui le jugent soit insuffisant soit inapplicable.

– De quoi parle-t-on?

Adoptée en 2022, la loi Taquet avait fixé au 1er février 2024 l’interdiction de logement à l’hôtel des enfants de l’ASE, un mode d’hébergement jugé peu sécurisant et peu adapté, mais le décret d’application manquait à l’appel. 

Publié dimanche au Journal officiel, le texte interdit le placement de ces enfants à l’hôtel mais prévoit une dérogation pour les jeunes de 16 à 21 ans: ils pourront être mis à l’abri dans une structure d’hébergement dite de « jeunesse » pour une durée limitée.

Cet hébergement sera possible dans une structure telle qu' »un centre de vacances ou relevant du régime de la déclaration, mais uniquement dans une situation d’urgence, et jamais plus de deux mois », selon le ministère chargé de l’Enfance. L’accueil exigera, par ailleurs, « une surveillance de nuit comme de jour au sein de la structure », avec un « professionnel formé ».

– Quel est le contexte?

L’épineuse question de l’hébergement des enfants de l’ASE est revenue sur le devant de la scène fin janvier après la mort de Lily, une adolescente de 15 ans retrouvée pendue dans un hôtel du Puy-de-Dôme.

Ce drame a suscité l’indignation de militants des droits de l’enfant: ils ont dénoncé l’inaction de l’Etat et des départements qui ont la charge de la protection de l’enfance, un secteur à bout de souffle qui souffre d’une pénurie de personnels et de structures.

Le logement à l’hôtel est pointé du doigt depuis de nombreuses années pour son inadaptation à des enfants qui se retrouvent souvent livrés à eux-mêmes et qui peuvent, parfois, tomber dans la prostitution ou dans la drogue faute d’un accompagnement social suffisant.

A l’heure actuelle, quelque 377.000 enfants font l’objet d’une mesure de protection au titre de l’ASE. Selon un rapport de l’Inspection générale des Affaires sociales (Igas) publié en 2021, au moins 5% des jeunes de l’ASE étaient hébergés en hôtels. Environ 95% d’entre eux étaient des mineurs étrangers non accompagnés (MNA). 

– Qu’en disent les spécialistes du sujet?

Pour la présidente de la délégation aux Droits des enfants de l’Assemblée nationale, Perrine Goulet, le décret est « insuffisant ».

« C’est une bonne chose que l’interdiction entre en vigueur: typiquement, la petite Lily qui est décédée fin janvier n’aurait pas pu se trouver dans ce type d’établissements, donc c’est une très bonne nouvelle pour les enfants de moins de 16 ans », a déclaré à l’AFP la députée MoDem.

« Là où je suis plus mitigée, c’est sur les conditions de taux d’encadrement (…). Le décret dit qu’il faut au minimum une personne, c’est très +light » si on est dans un établissement où il y a 50 enfants », relève-t-elle.

Même déception chez le militant des droits de l’enfant, Lyes Louffok, qui s’inquiète de « dérogations trop larges » et « d’un manque de précisions » qui risquent de limiter la portée du décret.

« Les dérogations possibles, comme l’habilitation d’hôtels par les départements, ouvrent la porte à des contournements de la loi », estime-t-il sur X. « De plus, les normes et taux d’encadrement des enfants dans les structures alternatives ne sont pas clairement définis. De quels professionnels parle-t-on ? Seront-ils présents de jour comme de nuit ? Quel est le nombre d’enfants par professionnel acceptable ? »

– Et les départements?

Pointés du doigt, les départements n’ont eu de cesse ces derniers mois de mettre en garde contre un décret qu’ils jugent « inapplicable » et « irréaliste » en l’état, mettant en avant la saturation des structures d’accueil existantes et l’afflux de mineurs non accompagnés. 

« Les départements ne peuvent pas régler à eux seuls tous les problèmes de la société française », déclarait encore la semaine dernière auprès de l’AFP le président de Départements de France François Sauvadet.

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