La Gazette – Imaginer la protection de l’enfance à l’horizon 2035

Quelle serait l’organisation de la protection de l’enfance en 2035 ? Comment seraient articulées les missions de ses différents acteurs ? Quel accompagnement proposerait-ils aux enfants en danger ? Cinq organisations, appuyées par le cabinet d’analyse Futuribles, ont entamé un travail de prospective en 2020, en pleine crise de Covid. Les résultats ont été restitués lors d’une matinée de débats devant une salle pleine à l’Assemblée nationale.

Quatre scénarios

Ce travail de prospection dégage quatre scénarios d’évolution. Le premier, intitulé « Rien ne bouge », est rejeté par l’ensemble des acteurs. « Le modèle actuel souffre d’un déficit structurel de coordination. Il est marqué par un repli sur soi des institutions, des disparités territoriales croissantes, un épuisement des professionnels », a affirmé Baptiste Cohen, directeur de projet au pôle Protection de l’enfance des Apprentis d’Auteuil. Il a évoqué le « syndrome de la grenouille ». Lorsqu’il est plongé dans l’eau, qui se met à chauffer dangereusement, l’amphibien est incapable de s’en échapper. « Or, la protection de l’enfance est déjà en ébullition », a constaté Baptiste Cohen. D’où la nécessité de lever le regard, de « voir vite et près, mais aussi loin et clair », selon les propos de la secrétaire d’Etat chargée de l’Enfance, Charlotte Caubel, en introduction à cette matinée.

Approfondir la collégialité

Le deuxième scénario met l’accent sur la collégialité entre les institutions et la personnalisation de la prise en charge. Il suppose de renforcer la coopération entre les acteurs : Aide sociale à l’enfance (ASE), Justice, Education nationale, Agences régionales de santé, associations, personnes concernées. L’enjeu étant que tous soient sensibilisés et soumis à l’intérêt supérieur de l’enfant. « Les acteurs doivent développer un langage commun, des repères communs autour du projet pour l’enfant », a estimé Isabelle Moret, directrice générale de SOS Villages d’enfants. Cependant, le directeur général de l’Uniopss, Jérôme Voiturier, a prévenu : « Ce scénario suppose une spécialisation accrue des professionnels. Or cette hyperspécialisation nuit à l’attractivité des métiers du social. »

Le choix de la prévention

La prévention est mise en exergue par le troisième scénario. « Dans ce cas de figure, les opérateurs doivent s’adapter à la prévention précoce », a insisté Baptiste Cohen. Priorité est donnée au soutien à la parentalité. Aurore Berger était également venue pour ouvrir les débats. Elle s’est engagée de faire du soutien à la parentalité une véritable politique publique d’ici l’été 2024. En revanche, Katy Lemoigne, directrice générale de l’association Chanteclair a souhaité mettre en garde contre le risque de se concentrer sur la prévention : « Il ne faut pas que cela atteigne le principe de protection ».

La piste de la sanitarisation

La place accrue du médical dans la protection de l’enfance peut se justifier par l’évolution des publics – près d’un tiers des enfants confiés souffrent d’un handicap. Parmi les enfants handicapés, 3% sont placés, alors qu’ils ne sont que 0,3% au sein de la population générale. Partisan de cette approche, Marc Vanesson, directeur du développement des programmes à la Croix Rouge, s’est néanmoins interrogé : « Il faut réfléchir à la manière dont on plaque des référentiels de santé sur le monde éducatif et social. Il faut garder en tête la définition extensible de la santé comme un bien-être global. » Plusieurs intervenants ont pointé le risque d’une perte de la sensibilité socio-éducative dans ce scenario. Dans leur majorité, ils préfèrent plutôt la deuxième ou la troisième hypothèse.

* Apprentis d’Auteuil, La Croix Rouge, La Vie au grand air, SOS Villages d’enfants, Uniopss

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